Communiqué de presse du 30 janvier 2019 suite à la déclaration du ministre Koonjoo
Dans une réponse à une question d’un titre de presse sur une seconde fermeture de la pêche à l’ourite entre les mois de janvier et mars, le ministre de l’Economie océanique, des ressources marines et de la pêche et du transport maritime, Prem Koonjoo, a déclaré le 14 janvier qu’il n’y aurait très probablement pas de 2e fermeture annuelle (en sus de celle d’août-octobre) pour « ne pas bousculer les pêcheurs en cette année d’élections »[1]. Platform Moris Lanvironnman (PML) tient à exprimer son total désaccord avec cette façon de gérer les ressources marines selon un calendrier électoral alors que l’état de ces ressources demande l’application d’une stratégie cohérente et un plan d’action soutenu. Bien que dans la majorité des cas, la pêche à l’ourite est illégale à l’île Maurice, dû au fait qu’elle est réalisée en plongée sous-marine, on ne peut se voiler la face car elle se pratique ouvertement et essentiellement par des pêcheurs amateurs (c’est-à-dire ne détenant pas de carte de pêcheur). La chute des prises d’ourites de 200-300 tonnes en 1990 à moins de 50 tonnes en 2015[2] s’explique par une chute dans la population d’ourites. Selon le ministre[3], la fermeture a été bénéfique car les prises sont passées de 25 tonnes en 2015 à 39 tonnes en 2017. Sans une gestion sérieuse de cette population, tout l’effort entrepris ces dernières années par tous les stakeholders tombera à l’eau. Il y va de la préservation d’une ressource économique et d’un patrimoine mauricien qu’est la pêche à l’ourite. Une révision de la législation, un law enforcement digne de ce nom ainsi qu’une 2e fermeture sur une base pilote sont parmi les recommandations issues du suivi des deux fermetures annuelles depuis 2016.
Des efforts concertés et soutenus menacés ?
Nous rappelons que lors d’un Restitution Workshop tenu en juillet 2018, des recommandations avaient été faites suite au projet de fermeture de la pêche à l’ourite financé par le GEF-SGP de la UNDP. Cet atelier de travail avait été organisé par Reef Conservation en partenariat avec les autres ONGs parties prenantes du projet, soit la MMCS, Ecosud/Lagon Bleu, EcoMode Society et la MSDA (Mauritius Scuba Divers Association) et avec la collaboration de l’Albion Fisheries Research Centre. Avaient participé à cet atelier de restitution, des représentants du ministère de l’Economie océanique, des pêcheurs, de la National Coast Guards, du Fisheries Protection Services. Richard Payendee, Commissaire à l’Environnement de la Rodrigues Regional Assembly, était également présent pour partager l’expérience rodriguaise en terme de législation qui est différente de celle de Maurice et de deux fermetures par an. La fermeture de début d’année d’un maximum de deux mois (à Rodrigues elle est d’un mois) est aussi importante que la fermeture de deux mois d’août-octobre (qui protège les femelles matures) car c’est le moment où les ourites juvéniles reviennent du large pour trouver refuge au niveau du récif corallien et des coraux présents dans le lagon. A Rodrigues, l’inclusion dans la législation d’une clause de « prohibition of selling and buying of fresh octopus” contribue grandement au succès de la fermeture, et le law enforcement est ferme.
A Maurice, le projet de fermeture de la pêche à l’ourite avait débuté par un projet-pilote mené en 2015 entre Le Morne et Souillac. L’année suivante, le gouvernement donnait un cadre légale à une fermeture de deux mois entre août et octobre. Pendant deux années consécutives, le GEF-Small Grants Programme de la UNDP a, avec le soutien de la Commission de l’Océan Indien, financé des ONGs (Reef Conservation, MMCS, EcoMode Society, Ecosud/Lagon Bleu) pour mener des campagnes de conscientisation et de suivi lors des périodes de fermeture. Les recommandations émises en juillet 2018 sont l’aboutissement de ces deux ans de suivi, des discussions des participants à l’atelier de restitution, et du partage de l’expérience de Rodrigues qui pratique la fermeture annuelle depuis sept ans avec des résultats des plus satisfaisants pour tous. Voir les chiffres plus bas.
Une législation inadéquate et un law enforcement trop défaillant
Ces recommandations portent sur
(i) des amendements à la règlementation pour la rendre opérante;
(ii) l’application de la loi (law enforcement), qui est jugée défaillante ;
(iii) la pêche sous-marine ;
(iv) la réouverture de la pêche ;
(v) la collecte de données ; et
(vi) la période de fermeture.
Au sujet de cette dernière série, il est recommandé de maintenir la fermeture de deux mois entre août et octobre et de mettre en place une 2e fermeture annuelle de deux mois (janvier et février) sur une base pilote dans une zone donnée après des consultations avec la communauté de pêcheurs et autres stakeholders. Si cette dernière recommandation (appuyée par des pêcheurs eux-mêmes) et certaines autres devraient peut-être encore faire l’objet de discussions, il y a unanimité sur la nécessité d’apporter des modifications à la législation afin que les officiers chargés de l’application de la loi puissent faire leur travail pendant la fermeture. Sans une législation adéquate et du law enforcement sérieux, les fermetures ne serviront pas à grand-chose.
PML considère que les acquis obtenus au prix d’efforts consentis sur plusieurs années par tant de parties prenantes – y compris le ministère concerné, les pêcheurs (qui sont conscients de leur intérêt, même à court terme), les marchands de produits de la mer, les Coast Guards, la Police de l’Environnement, les communautés côtières et les ONGs impliquées – ne peuvent pâtir de considérations purement électoralistes. Elle demande donc que les recommandations émises en juillet 2018 soient suivies.
Les chiffres
A Rodriques, les prises sont passes de quelque 380 tonnes en 2011 à 570 tonnes en 2012, première année de fermeture. Les années suivantes, la tendance vers la hausse s’est maintenue, et en 2017 les prises avoisinaient les 700 tonnes. Il s’en est ensuivi des revenus accrus pour les pêcheurs et les marchands, des exportations en hausse et de meilleurs prix pour les consommateurs. Sur la base de Rs 90/kg, la hausse de revenus pour les pêcheurs a été de près Rs 17 millions entre 2011 et 2012.[4]
Notes:
[1] http://ionnews.mu/video-peche-lourite-deux-fermetures-incertaines-en-2019-annee-delections-dit-koonjoo-140119/?fbclid=IwAR0g-W_nASnI0onq-ZZbJBa_tZNUhZ86dgIjp4sXcWoWBZcwBPJ07b3Jr68
[2]http://www.govmu.org/English/News/Pages/Octopus-fishery-reopens-after-two-months%E2%80%99-ban.aspx. Cette source indique 300 tonnes en 2015, mais d’autres sources indiquent 200 tonnes.
[3] Op. cit. 2
[4] Jhangeer-Khan R., Agathe, H. & Yvergniaux, Y. (2015) Managing octopus fisheries through seasonal closures: A case study from the island of Rodrigues. Blue Ventures Conservation Report. Available to download at blueventures.org/publications https://bjyv3zhj902bwxa8106gk8x5-wpengine.netdna-ssl.com/wp-content/uploads/2017/01/Jhangeer Khan_et_al_2015_Managing_Octopus_Fisheries_Through_Seasonal_Closures_Rodrigues.pdf
Pour en savoir plus :